lundi 19 décembre 2011

J'ai lu "Brueghel en mes domaines" de Lionel-Edouard Martin


Lionel-Édouard Martin
Brueghel en mes domaines
Petites proses sur fond de lieux
Le Vampire Actif 2011

Cent quarante poèmes en prose ou « proses poétiques » composent ce recueil de textes méditatifs, de poésie du lieu et du souvenir. Cent quarante textes qui pourraient avoir comme point de départ cette phrase de Cendrars, citée en exergue au dernier chapitre, au dernier « lieu » visité : « Tout s’imprime en moi et c’est peut-être la pure poésie que de se laisser imprégner et de déchiffrer en soi-même la signature des choses ». Cent quarante bribes de journal intime, ce qui reste – l’essentiel – quand on a enlevé le superflu.

Certains textes parlent des lieux, de gestes, d’odeurs, de paysages. La mare, la route.
« La route voudrait parfois saisir le ciel, l’étouffer dans ses courbes – ce groupe antique du supplice de Laocoon. Ce n’est pas en vain que l’on dit qu’elle serpente. Elle prend appui sur les collines, s’annelle, s’exhausse. Mais le ciel est bien trop haut, trop vaste aussi, pour accéder à son étreinte. Alors ; gagnant l’ubac, elle reflue sur l’autre versant, va dans les vallées, tâche d’hiberner sous les tunnels pour oublier les anges. »

D’autres textes sont plus près des objets, des choses, des choses, souvent perdues. La mère du vinaigrier. Une brouette « un jour, à l’arrêt sous une charmille, à tendre portée de main d’homme. » Des choses mais aussi des bruits, des sons. Et pour un poète, les sons sont des mots. Jeux de lettres, de mots, jeux de sons. La marche d’un escalier qui craque est une consonne. La pluie « fine, sans vent, sème un semis de voyelles claires. »

« On sort de la poésie par la prose » écrit L-É Martin, qui nous propose ici un très beau voyage dans ses lieux – la Martinique, un TGV, Haïti, le Maroc – dans ses souvenirs – enfance – et dans la langue, avec une écriture sensible et un vocabulaire précis qui oblige parfois, pour certains mots inusités, à recourir au dictionnaire. Un livre de « poésie » c’est à dire qui nous emmène au-delà des contrées habituelles, qui ne se laisse pas trop facilement visiter et dans lequel on apprend quelque chose, n’est-ce pas appréciable ?

Les premières lignes : « La route procède du piétinement, du mollet roidi par l’effort. Dans ma langue maternelle, le français, tout pas est négation, qui rabat les branchages, trousse l’herbe, tasse le sol. L’itinéraire d’une pensée, d’un désir, est ce qui, dans la terre, fonde la voie – et l’ouvre. (…)

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